On continue de le croire, même si cela ne reflète pas encore la réalité : les acteurs politiques, toutes tendances confondues, peuvent à tout moment revenir à la raison et arrêter de se cacher derrière les faux arguments et les fausses excuses. La tenue et la réussite du Dialogue national sont toujours permises. Bien sûr, tout dépend encore des questions qui seront inscrites à l’ordre du jour et de l’adhésion des acteurs politiques, mais la Tunisie ne cessera jamais, à travers ses différentes parties prenantes, de trouver les alternatives à la crise qui perdure et qui risque de s’éterniser si on n’arrive pas à débloquer la situation.
Le président de la République a reçu au Palais de Carthage Ali Larayadh, Youssef Chahed et Elyès Fakhfakh, anciens chefs de gouvernement, ainsi que l’actuel Chef du gouvernement Hichem Mechichi. Selon le communiqué de la présidence de la République, la rencontre s’est focalisée sur les moyens de sortir de la crise politique, économique et sociale. Quelques jours auparavant, et lors d’un entretien avec le secrétaire général de l’Ugtt, Saïed avait réaffirmé son ouverture au dialogue. Plus encore, il aurait même donné son feu vert pour la tenue de ce qu’on peut qualifier comme étant la dernière chance pour sortir le pays de la crise politique, économique et sociale qu’il traverse.
S’il laisse entendre qu’il est disposé au dialogue, le Président de la République refuse cependant que l’initiative de la Centrale syndicale soit inspirée des dialogues précédents ou qu’elle soit une vaine tentative de conférer une fausse légitimité aux…« traîtres et aux escrocs ». Il pense même que le précédent dialogue, jugé « national », n’en avait ni les critères, ni les références, ni les conditions requis, regrettant au passage les agissements de certains « qui se proclament patriotes et ayant foi en la volonté du peuple, mais qui se rendent secrètement à l’étranger pour trouver un moyen d’écarter, voire d’assassiner le Président de la République ».
Aussi inquiétants soient-ils, les propos de Saïed suscitent les interrogations. Autant il est conscient de tout ce qui se trame autour de lui, de l’intérieur comme de l’extérieur, autant l’absence de réaction du Président de la République déroge à la règle. L’on ne sait pas en effet ce qu’il attend pour réagir, au-delà des discours, de prendre les mesures nécessaires et de révéler la vérité aux Tunisiens.
Sur un autre volet, le message de Saïed est clair : le dialogue auquel aspire le Chef de l’Etat ne devrait pas se dérouler à la manière des précédents et il n’aura lieu que si « de vraies solutions seront recherchées aux problèmes des Tunisiens et des Tunisiennes ».
Il reste qu’on ne parvient pas toujours à définir la manière avec laquelle le Dialogue national pourrait être entamé. Il faut dire que la politique est un univers infiniment discutable. Il n’y a qu’à voir les débats enflammés auxquels se livrent les acteurs politiques, les Tunisiens tout particulièrement, pour s’en rendre compte. On peut discuter une position, un avis, d’ailleurs l’adage dit bien que la Tunisie compte 12 millions de politiciens. Et même si les parties prenantes arrivent à s’entendre, il y aura toujours de quoi débattre. L’action politique en Tunisie est souvent considérée comme un reflet de la société et des tensions qui la traversent. Elle en est le symbole ou, du moins, elle est érigée comme telle. Dès lors, on comprend que les faits et comportements des hommes politiques, qui sont souvent scrutés et analysés à l’aune des questions sociales, déchaînent les passions.
Il n’en demeure pas moins que les bonnes initiatives et les grandes idées amènent les grands changements et les grandes évolutions. Si les acteurs politiques ne sont pas prêts aujourd’hui au dialogue, c’est qu’ils n’ont pas suffisamment conscience de leur rôle et de leur vocation. Les rivalités politiques ne sont pas gagnées par les majoritaires, ni les plus forts, même pas les plus avertis, mais par ceux qui comprennent le sens du changement, qui évoluent et qui s’adaptent.
La plupart des partis politiques tunisiens affichent un incroyable manque de réinsertion et d’adaptation. Si le parcours des uns et des autres confirme un phénomène lié aux carences et aux transgressions, c’est bel et bien la difficulté de rentrer dans le système et d’en accepter les règles qui pose problème. Et c’est peu dire. Sur les innombrables manquements, défections et défaillances, l’on ne saurait se retenir devant le gâchis de ces dix dernières années. Ce qui est inacceptable, voire intolérable, c’est que toutes les conditions de réussite étaient paradoxalement réunies au début.
Il faut aujourd’hui revenir aux fondamentaux. Il faut revenir aux principes et aux valeurs de la Révolution, malheureusement abandonnés, oubliés, et quelque part perdus par certains. C’est ainsi que la Tunisie se relèvera. Un sursaut des différentes parties prenantes est donc souhaité. Plus que jamais exigé.
Il y a dix ans, c’étaient des moments extraordinaires, magiques. On l’a dit et on ne cessera jamais de le répéter. Ce qu’on en a fait aujourd’hui dépasse tous les pires scénarios inimaginables. Beaucoup n’étaient pas cependant au niveau. Encore moins au rendez-vous…